Le discours de remise solennelle du projet de constitution de la République Gabonaise, prononcé par Madame Murielle Minkoué, épouse Mintsa, Ministre de la Réforme des Institutions, laisse un goût amer et suscite une vive inquiétude par son manque flagrant de vision démocratique. Sous couvert de répondre aux prétendues « aspirations légitimes » du peuple gabonais, ce projet de constitution ne semble être, en réalité, qu’une tentative de perpétuer un système autocratique et clanique avec à sa tête le Général Brice Oligui N’guema. En effet, plutôt que de marquer une rupture avec les pratiques du passé, il s’agit bien au contraire d’une manœuvre pour préserver un statu quo régressif, camouflé derrière un vernis de modernité constitutionnelle.
Un discours trompeur sur les valeurs et la restauration des institutions
Dès les premières lignes du discours, il apparait clairement que le projet de constitution est présenté sous un jour trompeur. La ministre parle de « restauration des valeurs » et de « renforcement des institutions », mais les mesures concrètes énoncées trahissent plutôt une volonté de régression. Par exemple, l’insistance sur l’exclusivité du titre foncier pour les personnes physiques gabonaises, avec des dérogations limitées pour les personnes morales, n’est pas une véritable restauration des droits du peuple mais plutôt une tentative de contrôler davantage la propriété foncière au profit de certains intérêts. En 2024, alors que le besoin d’ouverture et d’équité est plus pressant que jamais, cette disposition témoigne d’une approche restrictive et protectionniste, en décalage total avec les attentes d’un pays désireux de se moderniser et de s’aligner sur les standards internationaux en matière de droits et de libertés économiques.
Un exécutif tout-puissant et un parlement muselé
Le discours met en avant la création d’un exécutif monocéphale avec un Président de la République concentrant l’essentiel du pouvoir, sous prétexte d’éviter les « blocages institutionnels ». En réalité, cette disposition ne fait que centraliser davantage le pouvoir entre les mains d’une seule personne, affaiblissant ainsi les contre-pouvoirs démocratiques nécessaires à une gouvernance saine. La possibilité de dissolution de l’Assemblée Nationale par le Président est présentée comme un « contre-pouvoir », mais elle s’apparente davantage à un outil de coercition contre le parlement, limitant la capacité de ce dernier à jouer pleinement son rôle de contrôle de l’exécutif.
La farce de l’indépendance judiciaire
La soi-disant « indépendance accrue » du pouvoir judiciaire n’est qu’une illusion délibérément entretenue pour masquer une réalité bien plus sombre. Le discours se vante de renforcer l’autonomie de la justice mais en vérité, il laisse le Président de la République à la tête du Conseil Supérieur de la Magistrature, consolidant ainsi son contrôle direct sur les magistrats. Pire encore, les nouvelles nominations des juges, prétendument basées sur le mérite et la transparence, sont en fait soumises à l’approbation du pouvoir exécutif, transformant la justice en un simple appendice de l’Etat. Ainsi la réforme de la Cour constitutionnelle, bien que présentée comme un progrès avec l’élection de son Président par ses pairs, n’est qu’une façade trompeuse, destinée à donner une apparence de démocratie tout en perpétuant une ingérence politique grossière. Ce projet ne vise qu’à maintenir une justice incapable de jouer son rôle de contre-pouvoir face aux dérives autoritaires à venir du régime.
Une protection abusive pour les « Héros » du 30 Août
Enfin, le discours se termine par une note particulièrement choquante : la proposition d’une loi d’amnistie pour les membres du CTRI et la définition d’avantages à eux accordés par l’État. Sous prétexte de protéger des « héros », cette mesure consacre en réalité une forme d’impunité institutionnalisée. En prévoyant des protections pour ceux qui ont participé aux événements du 30 août, ce projet de constitution établit un dangereux précédent où les actions des détenteurs du pouvoir sont exemptées de toute responsabilité.
Un progrès apparent, une régression réelle
En dépit des affirmations de Madame Minkoué, ce projet de constitution ne représente ni un progrès démocratique ni une réponse aux aspirations du peuple gabonais. Il semble plutôt conçu pour consolider le pouvoir entre les mains d’une élite restreinte, sous des prétextes fallacieux de stabilité et de préservation des valeurs. La nation gabonaise mérite mieux qu’un projet de constitution qui perpétue la stagnation et la régression. Il est temps d’exiger une véritable réforme, où la voix du peuple est réellement prise en compte et où les principes démocratiques ne sont pas qu’une façade.