ÉDITORIAL | Gabon : à découvert sous surveillance économique

ÉDITORIAL | Gabon : à découvert sous surveillance économique

Alors que le Gabon est déjà étranglé par une dette publique vertigineuse et une économie en quête d’équilibre, voilà qu’un nouveau front s’ouvre : celui de la souveraineté monétaire. Le projet de loi « CEMAC Act », récemment déposé au Congrès américain par le républicain Bill Huizenga, propose de conditionner le soutien des États-Unis à toute initiative du FMI en Afrique centrale à une évaluation complète des réserves de change de la sous-région. Derrière cette initiative, c’est bien la BEAC, mais aussi et surtout ses États membres – dont le Gabon – qui sont visés.

Accusée d’opacité et de refuser de renoncer à son immunité souveraine, la BEAC est sommée de justifier la gestion de réserves que certains, à Washington, considèrent comme partiellement artificielles. Les fonds concernés, notamment ceux destinés à la restauration environnementale, ne seraient pas conformes aux critères stricts de « disponibilité immédiate » exigés par les manuels du FMI. Ces critiques techniques dissimulent mal une volonté politique : celle de remettre sous surveillance renforcée des États déjà fragilisés.

Le Gabon, de son côté, n’a guère de marge de manœuvre. Avec une dette publique qui avoisinait déjà 65 % du PIB en 2024 selon les données du FMI, et des échéances de remboursement de plus en plus pressantes, Libreville avance à découvert. Le moindre signal négatif adressé aux marchés peut suffire à alourdir encore un peu plus le coût de sa dette ou à freiner l’arrivée d’investissements étrangers. Dans ce contexte, les attaques contre la gestion des réserves de la BEAC deviennent une menace directe à la stabilité financière du pays.

L’ironie, c’est que ces pressions s’exercent alors même que la BEAC, de son côté, tente de redresser la barre en imposant des règles plus strictes aux multinationales et en fixant des échéances précises pour la régularisation des fonds. Mais cette volonté de mieux encadrer les flux semble déplaire à ceux qui, jusqu’ici, ont bénéficié d’un certain flou. Pire, les recommandations du FMI – comme le maintien de taux d’intérêt élevés pour lutter contre l’inflation – s’appliquent indistinctement à toute la région, pénalisant les économies comme celle du Gabon, déjà en mode survie.

Dans cette affaire, le discours sur la transparence masque mal une tentative de recentralisation du pouvoir financier à l’avantage des grandes puissances. Le Gabon, pris en étau entre exigences extérieures et réalités économiques internes, doit refuser toute logique de mise sous tutelle. Car si les marges sont réduites, l’abandon de la souveraineté ne peut être une option. Il est temps pour le pays de poser ses propres conditions, faute de quoi il ne restera plus qu’à gérer la dette sous curatelle, les réserves sous surveillance, et les politiques publiques sous contrainte.

Par un analyste économiqu

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