Guy Rossatanga-Rignault : Le véritable maître des horloges du Palais du Bord de mer

Guy Rossatanga-Rignault : Le véritable maître des horloges du Palais du Bord de mer

Un cacique du PDG recyclé en architecte de la transition

Nul besoin de gratter bien longtemps le vernis de la « rupture » pour y retrouver les empreintes digitales d’un système anciennement décrié. La nomination de Guy Rossatanga-Rignault au poste de secrétaire général de la Présidence, dès les premières heures de la transition post-putsch, n’a pas été un accident de parcours mais un signal fort – et funeste – de la continuité du régime Bongo-PDG. Ancien haut dignitaire de l’appareil d’État, théoricien zélé du pouvoir sous Ali Bongo, ministre, conseiller juridique, président de comités stratégiques, ce professeur universitaire à l’érudition redoutée n’a jamais rompu avec les racines profondes du Parti Démocratique Gabonais. Sa biographie officielle ressemble davantage à un curriculum de la reproduction oligarchique qu’à celui d’un réformateur. Il est la preuve vivante que le « Nouveau Gabon » s’est construit sur les ruines recyclées de l’Ancien Régime.

Le scribe des desseins présidentiels

Depuis les coulisses feutrées du Palais du bord de mer, Rossatanga-Rignault ne se contente pas de rédiger des notes. Il pense, structure, et impose le tempo. Du Dialogue National d’avril 2024, qu’il a subtilement orienté en terrain balisé, jusqu’à l’élaboration du projet de Constitution, en passant par les conditions de l’élection référendaire — il fut à chaque étape le stratège silencieux, le cartographe du destin institutionnel d’un Gabon verrouillé. Le président Oligui a peut-être l’uniforme et les micros, mais c’est Rossatanga qui tient la montre. Il a su s’entourer, quadriller les institutions de ses affidés, manipuler le processus transitionnel pour imposer sa vision d’un pouvoir sans contre-pouvoirs.

Le maître d’école du putschiste-président

Brice Clotaire Oligui Nguema, militaire sorti de l’ombre par la magie d’un coup d’État, n’a pas improvisé seul son costume de chef d’État civilisé. Il a eu son maître : Guy Rossatanga-Rignault. Ce dernier, professeur de science politique, formateur en idéologie, grand prêtre des liturgies juridiques, n’a pas seulement été un conseiller — il a été un véritable tuteur intellectuel. Si Oligui parle le langage du réformisme contrôlé, c’est parce qu’il l’a appris. L’homme à la cravate enseigne, inspire, et façonne. Dans cette relation asymétrique, l’un incarne le pouvoir apparent, l’autre, le pouvoir réel. Derrière l’image d’un président de transition, il y a un doctrinaire qui récite sa propre partition.

Un relais de la Françafrique dans le cœur de l’État

Rossatanga n’est pas seulement l’éminence grise d’un régime né dans l’ambiguïté ; il est aussi un homme à la double allégeance. Franco-gabonais assumé, titulaire de diplômes de la Sorbonne, fin connaisseur des arcanes diplomatiques et des codes de la Françafrique, il incarne cette classe technocratique dont la loyauté se partage entre les palais africains et les salons parisiens. En le plaçant au cœur du dispositif présidentiel, la transition a ouvert une autoroute aux influences étrangères. À travers lui, la vieille matrice de la dépendance reste intacte. Il parle pour deux capitales, il pense pour deux mondes. Et son entregent à l’international garantit à ses choix une indulgence qui dépasse les frontières nationales.

Le fossoyeur de l’équilibre institutionnel

Fidèle à sa tradition de concentration du pouvoir, Rossatanga-Rignault aurait été l’instigateur direct de la suppression du poste de Premier ministre dans la nouvelle Constitution. Ce geste, loin d’être anodin, signe l’effacement d’un contrepoids traditionnel du président. En éteignant cette fonction, il a renforcé la présidence à son maximum, sans contre-champ. L’exécutif gabonais se retrouve désormais dans une verticalité absolue, favorable à l’exercice solitaire de la gouvernance. Un président sans chef de gouvernement, mais avec un secrétaire général omnipotent : le calcul est limpide. Et l’ambition se lit déjà dans les couloirs : Rossatanga lorgnerait aujourd’hui le poste de vice-président du gouvernement — un trône technique, mais décisif, pour un homme qui ne gouverne pas en apparence, mais règne en pratique.

Conclusion : une présidence confisquée

Guy Rossatanga-Rignault incarne tout ce que la présidence gabonaise aurait dû exorciser : la permanence d’un système usé, la personnalisation du pouvoir, la manipulation des cadres institutionnels à des fins de domination, l’ancrage dans des réseaux d’influence exogènes. Sa position de secrétaire général de la Présidence en fait le vrai gardien des horloges. Il est celui qui sait, celui qui orchestre, celui qui tire les ficelles pendant que le peuple regarde les marionnettes. Et si le Président Oligui pense déjà à 2032, qu’il sache que l’histoire jugera aussi ceux qui ont pensé pour lui.

Roger Ndong

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