Le Gabon vendu à EBOMAF: Chronique d’une dérive inquiétante

Le Gabon vendu à EBOMAF: Chronique d’une dérive inquiétante

À mesure que les marchés publics s’accumulent au profit du sulfureux homme d’affaires burkinabè Mahamadou Bonkoungou, PDG du groupe Ebomaf, une question lancinante hante l’opinion gabonaise : le président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, n’est-il pas en train de vendre le Gabon à la découpe ? À y regarder de plus près, ce qui s’apparente à une offensive panafricaniste dans les discours officiels ressemble de plus en plus à une colonisation économique d’un nouveau genre, pilotée depuis Ouagadougou par un magnat du BTP devenu incontournable dans les cercles du pouvoir gabonais.

Des faveurs politiques contre des milliards en marchés publics

À Libreville, les couloirs bruissent depuis plusieurs mois de rumeurs insistantes sur le rôle joué par Mahamadou Bonkoungou dans le financement officieux de la campagne présidentielle anticipée du président de la transition. Des sources concordantes, proches de l’administration, affirment que le PDG d’Ebomaf aurait mis à disposition de la junte d’importants moyens logistiques et financiers : jets privés, hélicoptères, espèces sonnantes et trébuchantes pour les opérations de charme dans les provinces reculées. En échange, un pacte non écrit, mais bel et bien appliqué, aurait été scellé : l’attribution en cascade, et sans appel d’offre, de marchés publics colossaux au géant burkinabè du BTP.

Et les chiffres donnent le tournis : en moins d’un an, Ebomaf s’est vu confier plus de 1000 milliards de FCFA de projets, dans des conditions d’opacité totale et en violation flagrante des principes de bonne gouvernance. Parmi ces marchés, on peut citer :

  • L’axe Lébamba-Mbigou-Malinga-Molo (208 km) pour une durée de 6 ans – estimation : 200 milliards FCFA
  • La construction de l’autoroute Cocovi–Libreville (2×3 voies sur 70 km) – estimation : 250 milliards FCFA
  • Le nouvel aéroport international d’Andem, dont le coût global est évalué à 220 milliards FCFA
  • La voie de contournement du Grand Libreville, en chantier – estimation : 80 milliards FCFA
  • Le chantier Ntoum-Cocobeach, repris par Ebomaf – estimation : 60 milliards FCFA
  • Des immeubles commerciaux et résidentiels à N’toum – estimation : 40 milliards FCFA
  • Le ferry de 500 places pour le transport maritime, déjà livré – estimation : 30 milliards FCFA
  • La concession de la Compagnie Nationale de Navigation Intérieure et Internationale (CNNII), pour une durée de 20 ans – valeur estimée de l’exploitation : plus de 150 milliards FCFA sur la durée

Cette frénésie contractuelle s’est opérée hors de tout cadre concurrentiel, écartant systématiquement les entreprises gabonaises, pourtant compétentes et demandeuses de marchés pour relancer leurs activités.

Une préférence étrangère en contradiction avec le discours souverainiste

Cette razzia orchestrée par Ebomaf est d’autant plus choquante qu’elle vient piétiner les engagements du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), qui, depuis le 30 août 2023, promettait de redonner la priorité aux Gabonais dans l’économie nationale. Le général Oligui Nguema avait alors juré que les intérêts nationaux primeraient désormais sur les connivences étrangères. Il n’en est rien.

En réalité, l’essentiel des postes stratégiques dans les projets confiés à Ebomaf est occupé par des expatriés burkinabè, acheminés massivement au Gabon au détriment des jeunes locaux qui, eux, végètent dans le chômage. Les ingénieurs, les chefs de chantier, les logisticiens et même les contremaîtres sont importés, alors que des centaines de diplômés gabonais attendent désespérément une première chance.

Une souveraineté nationale en péril

Le cas de la CNNII illustre parfaitement cette dérive. Cette société stratégique, censée incarner la souveraineté du Gabon sur ses voies fluviales et maritimes, a été concédée pour 20 ans à une entreprise étrangère n’ayant aucune expertise maritime avérée. Ce choix, largement critiqué dans les milieux patriotiques, a été perçu comme une abdication pure et simple de la part de l’État gabonais. Comment un gouvernement de transition peut-il brader ainsi un actif aussi crucial sans aucune garantie de relance, ni plan de souveraineté économique ?

Cette décision fait écho à celle prise dans le secteur aérien, aujourd’hui confié à GSEZ Airport, et alimente une crainte croissante de dépossession économique, où les leviers stratégiques du pays changent de main au profit de groupes transnationaux ou régionaux, sans ancrage national.

Une diplomatie du chèque, à très court terme

Ce qui se joue ici n’est pas une simple collaboration Sud-Sud. C’est une dépendance rampante qui s’installe, un pillage organisé sous couvert de coopération panafricaine, où le Gabon sert de laboratoire à l’expansion économique d’un homme d’affaires dont les méthodes, au Burkina Faso comme ailleurs, ont souvent été décriées. Ebomaf n’est pas un symbole de transparence ou de gestion inclusive. Il est un instrument d’enrichissement personnel, hélas cautionné par les plus hautes autorités gabonaises.

Il est encore temps de redresser la barre. Le CTRI doit revenir à ses fondamentaux, remettre la préférence nationale au cœur de son action, et suspendre immédiatement tous les marchés attribués sans appel d’offre. Le Gabon n’est pas à vendre. Et les Gabonais n’ont pas renversé un régime de 55 ans pour voir leur avenir être hypothéqué par de nouvelles formes de prédation.

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