Retour d’Augusta Energy : Oligui Nguema efface le passé judiciaire pour un marché opaque

Retour d’Augusta Energy : Oligui Nguema efface le passé judiciaire pour un marché opaque

Libreville, février 2025 – Après avoir été chassé du Gabon en 2020 sous fond de soupçons de corruption et de rupture unilatérale de contrat, Augusta Energy fait un retour fracassant, mais discret. Ce négociant suisse, qui avait traîné l’État gabonais devant la justice française pour obtenir 200 millions de dollars, vient de récupérer son marché avec une indemnisation de 25 millions de dollars. Une réattribution orchestrée dans l’ombre par la présidence, sous l’impulsion directe du putschiste Brice Clotaire Oligui Nguema et de son secrétaire général, Guy Rossatanga-Rignault.

Un scandale aux allures de transaction mafieuse

En juin 2024, à Paris, un accord transactionnel est signé entre Augusta et la Sogara. En échange de l’abandon de ses poursuites en France, le trader obtient non seulement une indemnisation, mais surtout la garantie de récupérer son marché sur l’enlèvement des résidus atmosphériques (RAT) produits par la raffinerie. Ce retour en grâce pose une question essentielle : comment une entreprise accusée de corruption par les autorités gabonaises peut-elle aujourd’hui être réhabilitée sans explication ?

Loin d’être une simple affaire contractuelle, cette réattribution cache un imbroglio politico-judiciaire d’une gravité extrême. Car derrière la signature de cet accord, c’est bien l’appareil d’État qui s’est mobilisé pour effacer d’un trait les contentieux judiciaires pesant sur Augusta.

Justice aux ordres : une compromission orchestrée par la présidence

Ce revirement est directement imputable à l’exécutif, qui n’a pas hésité à piétiner la justice pour servir ses intérêts. Guy Rossatanga-Rignault, secrétaire général de la présidence et administrateur de la Sogara, a personnellement pris en main ce dossier. Dans une lettre datée du 29 juin 2024, adressée à Diane Moussanda, directrice générale de l’Agence Judiciaire de l’État (AJE), il ordonne explicitement :

  • « Procéder au retrait de la plainte déposée en République gabonaise contre Augusta, ses dirigeants et ses employés et obtenir le document officiel (classement sans suite ou ordonnance de non-lieu). »

Une instruction qui ne laisse aucun doute sur l’ingérence de la présidence dans les affaires judiciaires. Oligui Nguema et son clan usent des institutions judiciaires comme de simples instruments de régulation de leurs intérêts personnels. L’AJE, sous la houlette de Diane Moussanda, déjà impliquée dans l’affaire Webcor, a donc exécuté les ordres du palais présidentiel, confirmant une justice aux ordres, prête à blanchir ceux qui ont les faveurs du régime.

Un marché taillé sur mesure pour Augusta

Non contente d’ordonner l’abandon des poursuites, la présidence a conçu un mécanisme permettant à Augusta de récupérer son dû en toute discrétion. L’accord prévoit en effet le versement d’une indemnité initiale de 5 millions de dollars en 2024, puis un solde réglé par la reprise du marché RAT d’ici fin 2025. Augusta percevra 20 % du prix de chaque cargaison jusqu’en 2026.

Ce montage, qui garantit à Augusta une rente confortable, met également en lumière l’arbitraire des décisions du régime. Pourquoi cet empressement à indemniser une entreprise autrefois accusée de corruption ? Pourquoi brader un marché stratégique à une société dont l’éviction avait été justifiée par des soupçons de malversations ?

Une continuité dans l’opacité et la prédation

En facilitant ce retour, Oligui Nguema prouve que la prétendue rupture avec les pratiques du régime Bongo n’était qu’un leurre. Les marchés d’État continuent d’être distribués dans l’opacité la plus totale, au gré des intérêts de la présidence et de son entourage.

L’affaire Augusta Energy est un exemple édifiant du mode de gouvernance instauré par le putschiste. La justice n’est qu’un outil de convenance, mobilisé pour écraser les opposants et absoudre les alliés. Les ressources du pays, elles, restent captives des mêmes réseaux, où les décisions ne sont dictées ni par l’intérêt national ni par la transparence, mais par la seule volonté du palais présidentiel.

Ce scandale démontre que la transition politique n’a été qu’un leurre. Le Gabon n’a pas tourné la page de la corruption et du clientélisme : il les perpétue, sous une nouvelle bannière, mais avec les mêmes méthodes et les mêmes profiteurs.

La rédaction