Depuis trop longtemps, le Gabon paie le prix fort d’une indépendance politique formelle qui masque une domination économique toujours vivace. À l’origine de ce déséquilibre, un réseau d’accords hérités de la Françafrique, qui permet à la France de continuer à puiser sans retenue dans nos sous‑sols — à l’uranium de Mounana comme au manganèse de Moanda — au détriment de nos communautés et de notre souveraineté.
Uranium de Mounana et Oklo : des lendemains qui déchantent
Avant même que le Gabon ne devienne un État souverain, la Compagnie des mines d’uranium de Franceville (COMUF) verrouillait l’accès aux gisements d’Oklo et Mounana. De 1960 à 1999, près de 28 000 tonnes d’uranium ont ainsi été expédiées vers la France, sans véritable contrepartie pour notre économie locale. Pis encore : l’héritage radioactif laissé aux riverains n’a jamais fait l’objet d’un plan de gestion digne de ce nom.
Le quasi‑monopole d’Eramet : quand le manganèse ne profite qu’à la métropole
Aujourd’hui, c’est Comilog, filiale du groupe Eramet, qui règne sans partage sur le manganèse gabonais. Classée « matière première critique » par l’Union européenne, cette ressource est presque entièrement exportée vers les usines françaises, où elle subit la première transformation. Résultat : les plus‑values volent vers Paris, pendant que nos communautés minières restent cantonnées à l’extraction et subissent pollution, précarité et promesses non tenues.
Des mécanismes de prédation bien rodés
Trois leviers expliquent cette captation continue :
1. Concessions à durée indéfinie et exonérations fiscales qui verrouillent les termes des contrats même quand notre législation évolue.
2. Partenariats opaques, où l’État gabonais, relégué au rang de partenaire minoritaire, ignore les clauses essentielles garantissant les profits les plus juteux.
3. Absence de transfert de technologie, qui maintient nos ingénieurs et techniciens dans une position subalterne, tandis que les expatriés français gèrent les savoir‑faire et les commandes.
La double peine socio‑environnementale
Sur le terrain, la facture est lourde : pollution des rivières, dégradation des sols, déboisement massif et absence de programme de réhabilitation. Les villages miniéristes vivent dans la pénurie d’infrastructures de base et l’absence de redistribution équitable des royalties.
Comment rompre ce cycle néocolonial ?
Il est grand temps de sortir de l’ombre de la Françafrique. Renégocier les contrats historiques, réévaluer la fiscalité minière et instaurer une transparence réelle sont des impératifs. Mais cela ne suffira pas : le Gabon doit aussi investir massivement dans la formation de ses cadres techniques et encourager la valorisation locale de ses minerais, afin de créer emplois et industries de transformation.
En conclusion, l’heure est venue pour le Gabon de revendiquer pleinement son indépendance économique. Nos ressources appartiennent d’abord à notre peuple. Le temps est venu de libérer ces richesses du carcan des accords néocoloniaux et d’en faire un véritable moteur de développement durable, pour que l’exploitation minière profite vraiment à ceux qui la portent — les Gabonaises et les Gabonais.
Maryse Owono, enseignante
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